Le château et le parc du Val-aux-Grès : de léproserie à centre culturel incontournable
Espace vert de 67 hectares, le Val-aux-Grès constitue l’un des plus anciens lieux de Bolbec. Ce domaine naturellement chargé d’histoire est aujourd’hui devenu le centre culturel de la Ville et un moteur associatif qui rayonne sur le pays de Caux, une évolution surprenante pour ce qui est au départ une maladrerie.
Le prieuré de Saint-Jacques-du-Val-aux-Grès, le « Val aux Malades »
Au XIIe siècle, la peste ravage l’Europe. L’Église décide donc d’installer des communautés religieuses dédiées à l’aide des lépreux, en dehors des villes et des villages. C’est pour cette raison que le prieuré de Saint-Jacques-du-Val-aux-Grès est édifié. Ce « Val aux Malades » est placé sous la direction de Gautier de Maloiseau. Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre et de Normandie, répond même à ses instances en le faisant premier prieur au sein d’une communauté de chanoines réguliers que le souverain installe dans le même temps.
Le « Val aux Malades » d’antan est bien différent du Val-aux-Grès d’aujourd’hui. Les constructions se présentent en quatre parties distinctes, séparées par des murailles de grès, un matériau tiré des carrières environnantes. Un quart est attribué aux chanoines, un deuxième aux lépreux, un troisième aux lépreuses et enfin un dernier ensemble revient aux pieuses dédiées aux soins donnés aux lépreuses.
La lèpre disparaissant au fil des siècles, le lieu n’est plus occupé que par des prieurs et des chanoines. Même si la communauté accueille toujours les nécessiteux, les bâtiments sont comme laissés à l’abandon. Il faut attendre 1752 pour que les lieux soient rénovés. Les bâtiments claustraux sont alors détruits. L’église reste cependant en place. Il est construit, à la place des bâtiments démolis, de nouveaux édifices, parmi lesquels se trouve le château, aux fondations de grès, encore visibles aujourd’hui.
Un lieu dédié à l’instruction
En 1770, le Val-aux-Grès revêt une grande importance pour les Bolbécais. Grâce à sa position à l’écart de la ville, c’est-à-dire grâce à sa fonction première de léproserie, l’espace est épargné par l’incendie ravageant la commune le 14 juillet 1765. Il est alors un lieu d’accueil pour les Bolbécais se retrouvant sans habitation et il dispose d’une église, l’église Saint-Michel, dans le centre, complètement incendiée, ne voyant sa reconstruction s’achever qu’en 1781. En 1770, donc, lorsque le cardinal de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen, obtient un brevet du Roi pour supprimer certaines communautés religieuses au profit de l’instruction des ecclésiastiques, le coup est dur pour la population. En 1771, l’opposition des Bolbécais est déboutée. Elle n’est pas entièrement recevable. Avec les revenus confortables que génère le prieuré et sa relation commerciale avec la ferme Corfil, le Val-aux-Grès est un lieu d’instruction idéal, où la pension liée à l’éducation rapporterait une somme supplémentaire.
En ce sens, la communauté est confiée au séminaire de Saint-Vivien en 1772. En 1779, le prieuré est loué à M. Cavelier qui y met en place une pension pour enseigner la lecture, l’écriture et le latin « depuis les basses classes jusqu’à la rhétorique inclusivement ». Le duc de Charost, dernier seigneur de Bolbec achète la propriété en 1780 avec la volonté de poursuivre ce travail. Malgré la révolution et la vente forcée du terrain, dans le courant de l’expropriation de l’aristocratie, à Mme Barrois, la pension continue jusqu’en 1805.
En 1837, un des héritiers de Mme Barrois fait démolir l’église, le plus ancien élément du Val-aux-Grès, en raison de sa vétusté. Dans la suite du siècle, plus aucune reconfiguration n’est effectuée, plus aucune activité n’anime le terrain. Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour qu’il soit réinvesti et utilisé comme centre d’apprentissage féminin.
Les aménagements menés par la Ville : la naissance du centre culturel
En 1973, la Ville rachète la propriété. L’intégralité du parc est aménagée. En 1976, la salle Guy de Maupassant est inaugurée. L’accent est d’emblée mis sur la culture, une direction qui prend pleinement forme avec le complexe socio-culturel de l’Esplanade, dont la construction est décidée en 1997. L’espace du Val-aux-Grès, qui regroupe, à l’époque, le service culturel de la Ville, l’école municipale de musique, le photo-club de Bolbec et les salles d’exposition, accueille alors, après plusieurs aménagements et l’établissement d’une place centrale, la Maison des Jeunes et de la Culture. Inaugurée en 2001, cette modification donne un nouveau jour à la MJC. Aujourd’hui, elle est un pilier incontournable de la vie associative et culturelle sur le territoire cauchois.
Derrière les locaux de la MJC prend place, dès 2004, un skate park, qui réhausse la proposition sportive de l’espace associatif tout en montrant, par ce geste, l’implication de la Ville dans le soutien à la jeunesse et dans la valorisation du sport.
Zoom sur quelques détails du parc
Parmi les arbres anciens protégés par la commune se trouvent deux spécimens intéressants. Il est possible de rencontrer, dans le parc, un cèdre bleu, planté le 9 novembre 1985 par l’association Mutinerie, avec l’appui de S.O.S. Racisme, en hommage à Leonard Peltier, leader du Mouvement Indien Américain emprisonné depuis 1976 et en compagnie de Lark Banks, cofondateur du mouvement.
Un cedrus atlantica glauca pendula, un cèdre aux longues branches écartées et basses de feuilles tombantes, peut également être aperçu. Offert par les communes allemandes jumelées avec Bolbec et planté en 1989 pour les 20 ans du jumelage, il est aujourd’hui un souvenir vivant de l’ancienneté du lien.
Le parc comprend par ailleurs de nombreux objets étonnants, comme les wagonnets, obtenus grâce au concours d’une commune du Nord de la France à l’occasion de la Saint-Laurent de 1985. Peuvent aussi être citées certaines pièces déplacées du sein même de la ville, à l’image du kiosque et de l’abreuvoir-fontaine, autrefois tous deux sur la place Desgenétais et embellissant aujourd’hui le terrain du Val-aux-Grès.