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L’atelier du textile : sur le fil de la mémoire bolbécaise

Installé sur le site de l’ancienne usine Desgenétais, sur la rue Auguste Desgenétais, en face de la chapelle Sainte-Anne, l’atelier-musée du textile est au cœur de l’histoire et du patrimoine bolbécais. Il parvient, grâce la passion de l’association qui le gère, « Bolbec au fil de la mémoire », à faire revivre le passé industriel de la ville tout en l’animant avec pédagogie.

Au fil de la mémoire

Au départ, l’association ne se focalise pourtant pas sur le textile. C’est un tableau du général d’Empire François Ruffin, retrouvé en mauvais état dans le grenier de la mairie, qui décide Alain Gilles et Pierre Roussel à fonder une association pour la restauration du portrait. En 1997, le collectif voit officiellement le jour et, avec lui, naît l’idée de préserver le patrimoine local d’une manière générale. Son nom, quant à lui, « au fil de la mémoire » indique néanmoins une cristallisation autour du textile, une expansion de la préservation du patrimoine autour et à partir du textile.

L’année suivante, la Ville met à disposition de l’association un local dans la boyauderie des anciens abattoirs pour y établir un atelier-musée, un lieu de confection de tissu et d’exposition des techniques qui ont fait la renommée de la commune du XVIIIe au XXe siècle. Des retraités du textile sont alors contactés : Il faut ressusciter le passé textile de Bolbec ! Les premiers torchons sortent au début de l’année 2000.

C’est en 2008 qu’arrive un tournant pour l’atelier-musée. Il est transféré sur le site de l’ancienne usine Desgenétais. En plus d’offrir à l’atelier un retour aux sources, dans le cœur historique de l’industrie textile locale, le lieu garantit plus d’espace et de marge de manœuvre que le précédent local. Les métiers à tisser, issus de dons municipaux ou d’acquisitions de l’association, ont donc un lieu d’exposition de choix. La gamme des machines utilisées pour la filature s’étoffe et se complète. L’atelier compte de fait des machines d’exception, notamment avec certains métiers à tisser dont le plus ancien date de 1914. Les pièces les plus anciennes servent à montrer leur usage lors de visites tandis que les plus récentes produisent des éléments textiles du Bolbec d’antan. Certains membres tissent et taillent des mouchoirs, des torchons et des tabliers que les visiteurs peuvent même acheter à l’accueil du musée. En outre la visite brille particulièrement grâce à sa collection d’indiennes et de toiles, originales comme reproduites.

L’emplacement chargé d’histoire de l’atelier-musée

Le site de l’atelier-musée est lui-même significatif au niveau de la ville, à l’échelle de son passé industriel. Avant d’être lié à l’association, qui entend donner une seconde vie au patrimoine, le terrain de 9 hectares est acquis par Jacques Lechevalier en 1833. Il dresse le premier tissage mécanique de l’arrondissement. En 1843, Jacques Lechevalier se retire en laissant le soin à ses trois neveux de développer son entreprise. Les trois frères, François, Auguste et Jean Desgenétais, installent un deuxième tissage à Bolbec et une filature, la « Vallée de Fontaine ». L’entreprise s’étend également à Gruchet-le-Valasse. François et Jean décèdent respectivement en 1862 et 1864. Il ne reste plus qu’Auguste pour gérer et étendre l’industrie. Il établit encore des complexes à Lillebonne et à Caudebec-en-Caux à la fin des années 1860, cette suite de filatures faisant des Desgenétais l’une des familles les plus riches du département. À sa mort en 1881, ses deux fils, Henri et Louis Auguste reprennent le flambeau. La famille Desgenétais gère l’entreprise jusqu’en 1934, date à laquelle, pour des raisons financières, le terrain est cédé à Marcel Boussac. En 1975, il est à son tour contraint de fermer les lieux à cause d’une mondialisation exacerbant la concurrence dans le domaine textile.

Malgré des tentatives de remise en fonctionnement en 1977 et en 1988, l’usine est finalement abandonnée jusqu’à son rachat par la Ville en 2003 puis par Caux Seine Agglo en 2021, où, avec la commune, l’agglomération entend développer un nouvel ensemble vivant pour animer la périphérie de Bolbec.

Pour l’instant, la friche, encore drapée des bâtiments établis au XIXe siècle est un témoin du passé textile de la commune. Aucun autre lieu n’est plus approprié à l’exposition d’indiennes.

Zoom sur La Côte des deux amants, pièce maîtresse du musée

Parmi les indiennes possédées et exposées par l’association, l’une d’elle, par son soin du détail et son implication culturelle, se hisse au rang des pièces maîtresses de l’atelier-musée. Tissu tapissant de ses personnages et de ses scènes les rideaux d’un lit à baldaquin et imprimé à Bolbec en 1825, il illustre l’histoire des Dous amanz (deux amants), un lai de Marie de France composé pendant la seconde moitié du XIIe siècle, d’après des tableaux de Paul Malençon, un peintre normand.

Plus que la représentation finement menée de la légende d’Edmond qui, aidé par son amante, déjoue les pièges de son beau-père, c’est l’inclusion d’un lai typiquement normand, conté par une trouveresse de langue anglo-normande, dans un cadre industriel cauchois. Il s’agit ici de la démonstration du double rôle de l’association, c’est-à-dire de la préservation du patrimoine et de son exposition jusqu’en ses facettes les moins connues. En une indienne, se montre alors parfois un pan de l’histoire normande.