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Catégories : Si Bolbec m'était conté

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, apparaissent en France des toiles de coton colorées. Ces cotonnades sont importées des Indes par la Compagnie des Indes, c’est pour cette raison qu’on leur a donné le nom d’indiennes. Ces premières indiennes avaient des dénominations tout aussi colorées.

 

Ces indiennes connaissent un succès extraordinaire dès leur arrivée en  France. On décide donc de les copier et de réaliser une production nationale qui vient concurrencer ces importations qui venaient des Indes. A quoi servaient donc ces indiennes ? Elles étaient d’abord utilisées dans l’habillement, essentiellement l’habillement féminin.

 

L’engouement devient tel que Molière en 1670 s’en moquera dans sa comédie-ballet « Le bourgeois gentilhomme » !

 

 

Ces indiennes sont également utilisées pour l’ameublement. Elles portent alors le nom de « meubles » et servent à décorer les chaises et les fauteuils, les lits, les paravents ou sont utilisées pour réaliser des rideaux ou des tentures.

 

Les drapiers, les toiliers et les soyeux connaissent alors une baisse de leur vente. Ils vont donc se plaindre au roi qui, en 1686, interdit la fabrication des indiennes en France. L’interdit va durer 73 ans et pas moins de 80 arrêts ont été promulgués durant cette période, les fabricants trouvant toujours un moyen de détourner la loi. Pourtant, les femmes des intendants des généralités (équivalents des préfets d’aujourd’hui) portent des indiennes alors que cela est interdit et, en 1756-1758,  Mme de Pompadour protège l’atelier clandestin d’un indienneur d’origine suisse, Abraham Frey et de son associé bolbécais Abraham Pouchet. Cette manufacture installée dans la région de Bondeville près de Rouen produit des indiennes que la favorite utilise pour la décoration de son château de Bellevue.

 

On ne peut connaître avec précision la date des débuts de  l’indiennage à Bolbec. Les documents de l’époque ont disparu dans le grand incendie qui détruisit la ville en 1765. Seules quelques informations nous sont restées. La première fait état de l’installation à Bolbec  de la  manufacture d’impression sur étoffes de Jacques Lemarcis autorisée par un décret du conseil du roi de 1729. Cette manufacture était située dans un périmètre qui allait de la rue d’Orteuil  (rue Pasteur) depuis l’emplacement actuel du temple, jusqu’aux bâtiments actuels de la Société Générale et limité au sud par la rivière. Mais il ne s’agit là que d’impression sur étoffes de laine et non précisément d’indiennes.

 

Autre information, celle trouvée dans le livre de Serge Chassagne  « le coton et ses patrons  » qui, retraçant les débuts de l’indiennage à Bolbec, cite le jugement rendu en 1757 par la haute justice d’Hallebosc et prononçant la saisie dans la fabrique clandestine de Guillaume Bennetot à Bolbec . Les 39 coupons de 117 aunes cités dans le texte représentent  près de 137 km de tissu imprimé.

 

 

Les fabriques d’indiennes se multiplièrent avec la reconstruction de la ville. Elles sont au nombre de 15 en 1785, toutes implantées dans un secteur situé entre la place du marché (place De Gaulle) et le carreau Bourdon (parking des Lions). Elles représentent avec les deux indienneries de Gruchet plus du tiers du groupe normand et à elles seules le dixième de la production française, la plupart en bleu réserve. Après des difficultés dues au traité de Vergenne de 1786 et aux accords douaniers avec l’Alsace en 1788 qui ouvrent le marché français des indiennes à l’Angleterre et à Mulhouse, trois des manufactures bolbécaises dont la plus importante, celle de Daniel Lemaître, font faillite. Le marasme se poursuit pendant la Révolution avec la chute des assignats.

 

 

Dès le Consulat, les fabriques de Bolbec connaissent un nouvel essor, fortes du protectionnisme créé par Napoléon 1er qui, par son décret de 1806, interdit toute importation de toiles peintes en France. Le nombre des indienneries à Bolbec va exploser pour monter à 24 comme le montre cet almanach de Bolbec de 1832.

 

 

 

L’indiennage bolbécais fabriquait essentiellement des articles à bas prix, accessibles à une clientèle modeste. Cela a provoqué un formidable essor mais, revers de la médaille, dès qu’une crise touchait cette clientèle, l’industrie s’en trouvait durement frappée. Et des crises, il y en eut entre 1835 et 1850, livrant au chômage des milliers d’ouvriers. Des 24 indienneries en 1832, il n’en reste plus que 2 au début de la Troisième République. La dernière, celle de Lemaitre-Lavotte, passe aux mains des Indienneries Françaises en 1896 qui devient en 1912, la Société d’impression des Vosges et de Normandie puis, en 1921, Gillet-Thaon qui ferme définitivement ses portes en 1956 signifiant la fin de l’aventure de l’indiennage à Bolbec.